8.11.12

Aveuglément



Notre Dame de Paris: Synagoga (détail), aussi connue comme "la Synagogue aveugle"

"Dès le XIIe siècle, la Synagogue est représentée les yeux bandés, signe de son refus d’admettre la divinité du Christ. On la montre le plus souvent perdant sa couronne, tenant une lance ou une bannière brisée, dressée au-dessus de la gueule de l’enfer où s’engouffre un groupe de juifs. Lui faisant pendant se dresse l’Eglise triomphante. Ecclesia et Synagoga figuraient côte à côte aux proches des cathédrales, gigantesques livres d’images sculptés pour l’édification des fidèles."

Béatrice Philippe, Être juif dans la société française du Moyen Âge à nos jours, [Paris]: Éditions Montalba, 1979, p. 39


Le diable aveuglant des Juifs
Breviari d’Amor de Matfré Ermengaud de Bézies, c. 1488


La Synagogue aux yeux bandés
Portail de l'Horloge, Cathédrale de Strasbourg


En construisant la ruine: Fabrication de Synagoga ou la Synagogue aux yeux voilés, aveugle et vaincue
Moritz von Schwind, Sabina von Steinbach (Die Bildhauere​i: Sabina von Steinbach an der Figur der "Synagoge" für das Straßburge​r Münster arbeitend), 1844.

Philippe Joutard, L'Église triomphante et la Synagogue voilée, L'Histoire n°269, Dossier "L'antisémitisme", 25.09.2002, p. 38: "L'art occidental a souvent représenté l'aveuglement des Juifs face au christianisme."


Pour la polémique: la Synagogue aux yeux voilés et l'Église triomphante, Rationale divinorum officiorum (Doctrinal traduit en français par Jean Golem sur l'ordre de Charles V), Paris, vers 1380-1390. BNF, Manuscrits, français 176, f. 1

"Soucieux de dégager la nouveauté de son message, le christianisme a souvent été tenté de considérer, à travers l'interprétation des Pères de l'Église, que le "Nouveau Testament" rendait caduc l'"Ancien" ou que, à tout le moins, celui-ci ne pouvait se lire qu'à la lumière du nouvel éclairage apporté par Jésus venu révéler au grand jour ce qui était resté jusque-là dissimulé sous le discours de l'énigme.
La miniature de ce doctrinal utilisant un vocabulaire familier aux artistes des cathédrales médiévales en est une illustration frappante : à gauche, la Synagogue, baissant la tête, les yeux voilés par un bandeau, tenant de la main gauche les tables d'une Loi mosaïque prête à tomber au sol, semble bien, dans l'hésitation de sa posture et l'extrême simplicité de sa robe d'un mauve éteint, sur le point de céder la place à l'Église couronnée et nimbée qui lève son visage avec assurance, portant très haut dans sa main gauche la croix du Christ comme un étendard, et dans sa main droite le ciboire contenant le sang du Christ. L'éclat de ses vêtements, la fierté de sa posture solidement adossée au bord de l'image trahissent l'avantage qui lui est ici ostensiblement accordé" (Expo-BnF : Livres de Parole).

"La Synagogue aveugle, c'est avant tout la Synagogue qu'on a aveuglée, qu'on montre aveugle."

André Benheïm, "La Synagogue perdue," dans Albert Cohen dans son siècle: actes du colloque international de Cerisy-la-Salle, [Septembre 2003], ed. Alain Schaffner et Philippe Zard, Paris: Éditions Le Manuscrit, 2005, p. 29).