José Ortega y Gasset, "El hombre y la gente: ensimismamiento y alteración," disertación, Buenos Aires, 1939 (Ensimismamiento y alteración: meditación de la técnica, Buenos Aires: Espasa-Calpe Argentina, 1939; Obras Completas, Madrid: Alianza Editorial-Revista de Occidente, 1983, vol. VII, p. 90).
El hombre vive en riesgo permanente de deshumanizarse. No sólo es problemático y contingente que le pase esto o lo otro, como a los demás animales, sino que al hombre le pasa a veces nada menos que no ser hombre.
La condición del hombre es [...] incertidumbre sustancial. Por eso está tan bien aquel mote, grácilmente amanerado, de un señor borgoñón del siglo XV: Rien ne m'est sûre que la chose incertaine.[1] «Sólo me es seguro lo inseguro e incierto.»[2]
No hay adquisición humana que sea firme. Aun lo que nos parezca más logrado y consolidado puede desaparecer en pocas generaciones. Eso que llamamos «civilización» -todas esas comodidades físicas y morales, todos esos descansos, todos esos cobijos, todas esas virtudes y disciplinas habitualizadas ya, con que solemos contar y que en efecto constituyen un repertorio o sistema de seguridades que el hombre se fabricó como una balsa, en el naufragio inicial que es siempre el vivir-, todas esas seguridades son seguridades inseguras que en un dos por tres, al menor descuido, escapan de entre las manos de los hombres y se desvanecen como fantasmas. La historia nos cuenta de innumerables retrocesos, de decadencias y degeneraciones. Pero no está dicho que no sean posibles retrocesos mucho más radicales que todos los conocidos,
incluso el más radical de todos: la total volatilización del hombre como hombre
y su taciturno reingreso en la escala animal, en la plena y definitiva alteración.
La suerte de la cultura, el destino del hombre, depende de que en el fondo de
nuestro ser mantengamos siempre vivaz esta dramática conciencia y, como un
contrapunto murmurante en nuestras entrañas, sintamos bien que sólo nos es
segura la inseguridad.
Tres estudios para figuras (1944), inquietante pintura de Francis Bacon
_____
1. François Villon (François de Montcorbier, 1431-1463), célebre poeta francés de fines del medioevo. Ortega cita su "Ballade du concours de Blois," también conocida como la Ballade des contradictions:
Je meurs de seuf auprès de la fontaine,
Chaud comme feu, et tremble dent à dent ;
En mon pays suis en terre lointaine ;
Lez un brasier frissonne tout ardent ;
Nu comme un ver, vêtu en président,
Je ris en pleurs et attends sans espoir ;
Confort reprends en triste désespoir ;
Je m'éjouis et n'ai plaisir aucun ;
Puissant je suis sans force et sans pouvoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
Rien ne m'est sûr que la chose incertaine ;
Obscur, fors ce qui est tout évident ;
Doute ne fais, fors en chose certaine ;
Science tiens à soudain accident ;
Je gagne tout et demeure perdant ;
Au point du jour dis : " Dieu vous doint bon soir ! "
Gisant envers, j'ai grand paour de choir ;
J'ai bien de quoi et si n'en ai pas un ;
Echoite attends et d'homme ne suis hoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
De rien n'ai soin, si mets toute ma peine
D'acquérir biens et n'y suis prétendant ;
Qui mieux me dit, c'est cil qui plus m'ataine,
Et qui plus vrai, lors plus me va bourdant ;
Mon ami est, qui me fait entendant
D'un cygne blanc que c'est un corbeau noir ;
Et qui me nuit, crois qu'il m'aide à pourvoir ;
Bourde, verté, aujourd'hui m'est tout un ;
Je retiens tout, rien ne sait concevoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
Prince clément, or vous plaise savoir
Que j'entends mout et n'ai sens ne savoir :
Partial suis, à toutes lois commun.
Que sais-je plus ? Quoi ? Les gages ravoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
El poema fue escrito por Villon en 1458; ver su versión francesa original (François Villon, Œuvres complètes de François Villon, éd. préparée par La Monnoye, mise au jour, avec notes et glossaire par M. Pierre Jannet, París: A. Lemerre, 1873, pp. 110-111).
2. En otras palabras, sólo lo incierto me es seguro.
Tres estudios para figuras (1944), inquietante pintura de Francis Bacon
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1. François Villon (François de Montcorbier, 1431-1463), célebre poeta francés de fines del medioevo. Ortega cita su "Ballade du concours de Blois," también conocida como la Ballade des contradictions:
Je meurs de seuf auprès de la fontaine,
Chaud comme feu, et tremble dent à dent ;
En mon pays suis en terre lointaine ;
Lez un brasier frissonne tout ardent ;
Nu comme un ver, vêtu en président,
Je ris en pleurs et attends sans espoir ;
Confort reprends en triste désespoir ;
Je m'éjouis et n'ai plaisir aucun ;
Puissant je suis sans force et sans pouvoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
Rien ne m'est sûr que la chose incertaine ;
Obscur, fors ce qui est tout évident ;
Doute ne fais, fors en chose certaine ;
Science tiens à soudain accident ;
Je gagne tout et demeure perdant ;
Au point du jour dis : " Dieu vous doint bon soir ! "
Gisant envers, j'ai grand paour de choir ;
J'ai bien de quoi et si n'en ai pas un ;
Echoite attends et d'homme ne suis hoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
De rien n'ai soin, si mets toute ma peine
D'acquérir biens et n'y suis prétendant ;
Qui mieux me dit, c'est cil qui plus m'ataine,
Et qui plus vrai, lors plus me va bourdant ;
Mon ami est, qui me fait entendant
D'un cygne blanc que c'est un corbeau noir ;
Et qui me nuit, crois qu'il m'aide à pourvoir ;
Bourde, verté, aujourd'hui m'est tout un ;
Je retiens tout, rien ne sait concevoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
Prince clément, or vous plaise savoir
Que j'entends mout et n'ai sens ne savoir :
Partial suis, à toutes lois commun.
Que sais-je plus ? Quoi ? Les gages ravoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
El poema fue escrito por Villon en 1458; ver su versión francesa original (François Villon, Œuvres complètes de François Villon, éd. préparée par La Monnoye, mise au jour, avec notes et glossaire par M. Pierre Jannet, París: A. Lemerre, 1873, pp. 110-111).
2. En otras palabras, sólo lo incierto me es seguro.